mardi 12 avril 2017
C’est l’histoire d’une cavité dont l’exploration traîne. Ce n’est pas un manque de motivation, bien au contraire. La peur, certainement, que l’aventure s’arrête…
Durant ces vacances de printemps, après un hiver sans neige, les skis sont déjà remisés en attendant l’hiver suivant peut-être plus froid… La neige est bien transformée, nous pourrions refaire une visite de courtoisie à la Grande Entaille. Les objectifs ne sont plus très intéressants mais ce serait dommage de ne pas vérifier cette trémie de petit cailloux qui descend plus vite que nous pouvons la remonter. Christophe est disponible. Allons-y !
A six heures du matin, nous nous retrouvons sur le parking de Gap. Il s’agit de ne pas attendre que la neige fonde et nous interdise l’accès par des coulées de neige de printemps. A sept heures sur les raquettes, nous remontons la combe de Corne en direction des baumes noires. La neige est plus dure que nous l’avions imaginé. Tant mieux !
Dans la face nord de la montagne d’Aurouze, une fois la pente trop forte, nous quittons les raquettes pour les crampons et le piolet. Christophe ouvre la marche. Son entraînement en ski de randonnée fait la différence avec mon activité sédentaire de l’hiver. Cependant, l’entrée est atteinte en moins de trois heures. Il y fait toujours aussi froid. Le courant d’air glacial qui en sort nous contraint à activer le changement de tenue et le pique-nique. La glace est bien présente mais pas les deux glaciers fossiles que nous avions photographiés les années précédentes. Réchauffement climatique !
En quelques minutes, nous atteignons le terminus à revoir. En grimpant la trémie, celle-ci coule comme si elle avait été liquide. Les petits cailloux dus à la gélifraction font comme un tapis roulant. Je passe le terminus en me glissant sur le dos tout en escaladant au plafond. Ainsi, la descente des blocs est limitée, presque évitée. L’exploration est de courte durée. Une petite salle de trois mètres de diamètre au-dessus s’arrête sur une autre trémie, bien stabilisée celle-ci. Inutile d’engager un chantier qui a bien peu de chance d’aboutir. Demi-tour dépités, nous irons faire une séance photo plus en aval. J’incite Christophe à retourner dans la galerie blanche. Cette poudre qui recouvre les parois renvoie une belle lumière pour les photos. Au terminus de celle-ci, le courant d’air se fait bien sentir mais d’énormes blocs ferment le passage. Je me glisse à mi-hauteur pour tenter à nouveau ma chance. Je peux avancer de deux mètres en grattant la terre collante au sol. Après, un angle à quatre-vingt-dix degrés ne permet plus de passer. Je renonce. Christophe me demande si je suis allé au-dessus des blocs pour voir. Oui, j’y suis déjà allé pour être bloqué par un laminoir encombré de cailloux. Mais dans le doute, j’escalade une nouvelle fois les quelques mètres qui me séparent du plafond. Le laminoir est toujours là. Sur la gauche, cela semble un peu plus large, mais il me faut dégager quelques cailloux qui me gênent. Je force sur les cotes pour passer sur l’autre flanc. Ce n’est pas très confortable car le vide est là, sous mes pieds, mais une faille permet d’avancer un peu plus. Trois mètres plus loin, vers le haut, le plafond semble laisser place à du noir. Un grand vide ? J’insiste, je joue des coudes pour pousser les derniers blocs qui m’empêchent de voir. Oui ! Ça passe…
J’appelle Christophe pour qu’il aille chercher un bout de corde afin d’assurer la descente et l’invite à escalader pour me rejoindre. Je l’attends assis au débouché du laminoir pour partager avec lui cette découverte. Il me rejoint vite pour faire un premier tour de la salle. De huit mètres de diamètre mais basse de plafond, l’autre côté de la salle laisse apparaître deux départs : une belle galerie à gauche, une plus étroite à droite. Nous prenons celle de droite et parcourons un sol chaotique pour arriver dans une large zone basse. A droite, c’est un laminoir, à gauche, un peu plus haut, il faut se glisser entre les blocs. Une autre petite salle nous conduit au pied d’un grand puits remontant qui doit bien dépasser vingt mètres de haut pour dix mètres de diamètre. Il est magnifique. Nous n’avons pas fini de l’admirer que la gageure de son escalade nous saute à la figure. Il va falloir revenir avec le matériel d’escalade pour une belle séance. Nous rebroussons chemin afin de remonter la seconde galerie aux dimensions très confortables. L’exploration sera de courte durée car la galerie laisse place à une grande salle remontante entièrement fermée par une gigantesque trémie de cailloutis. Celle-ci ressemble à un coupe gorge et ne nous invite pas à être téméraire. Sur le côté droit, nous repérons un passage bas qui nous conduit dans des boyaux anastomosés sans suite apparente. Christophe repère un squelette de chauve-souris pas très ancien alors que n’en avons vu encore aucune vivante. Cependant, quelques traces de guano laisse imaginer une fréquentation sporadique. Ceci explique peut-être la présence, sur les parois de la galerie, les exosquelettes de coléoptères. Il faudra creuser la chose avec le regard de spécialistes. La journée nous apparaît bien remplie. Nous arrêtons là nos recherches en imaginant déjà les séances topographiques qui nous attentent. En rentrant, je me prêterai au jeu du modèle, de dos de préférence, afin de ramener quelques témoignages de la beauté de cette cavité qui se mérite. L’accès difficile et dangereux fera que ce ne sera jamais une grande classique.
Participants : Christophe BOULANGEAT et Philippe BERTOCHIO
Photographies : Christophe BOULANGEAT