Depuis la dernière visite, en juin 2010, nous envisagions de revenir à une période sans neige et sans glace, si possible sans pluie et sans brouillard (pour le plaisir de la vue), afin d’appréhender les éventuels mouvements de chiroptères dans ce réseau conséquent d’altitude. Nous avions en effet constaté la présence quasi généralisée de crottes de chauve-souris. Il y avait aussi de nombreux squelettes disséminés de ci de là. Mais pas un seul individu en vol ou pendu la tête en bas, ce qui n’avait rien d’étonnant du fait de la glace encore bien présente dans la cavité.
Le 9 septembre, il faisait grand beau. La température était bien agréable. Nous avons ainsi pu largement apprécier l’ampleur du cadre sous ces hautes falaises du Grand Ferrand.
Nous avions également convenu de changer la corde d’accès, ce que nous avons fait sur les premiers 40 m aval. La deuxième partie n’a pas été changée ce jour (main courante aérienne finale).
La visite a donc commencé vers les grandes salles du fond. Plus de glace, très peu d’écoulements … pas à dire, la sécheresse s’est fait ressentir dans ce coin de l’Isère.
L’immensité des volumes nous laissant pantois, nous nous sommes éternisés à fouiner dans diverses étroitures adjacentes a priori non visitées jusqu’à présent (aucune trace dans les dépôts d’argile). Beaucoup de concrétions, quelques petites chatières sélectives pas forcément du goût de Rémi… De quoi s’amuser un moment.
Et… toujours pas de chiroptères en vue, si ce n’est des squelettes toujours présents, de toutes tailles et un cadavre tout frais de ce qui ressemble à un oreillard.
Mais puisque l’heure nous échappe dans ces grands réseaux (TPST = 5 h environ). Il fallait envisager le retour sans avoir vu de chauve-souris vivante.
Christophe décide alors de laisser à l’entrée de la cavité en position d’enregistreur son détecteur à ultra-sons avec l’idée de revenir rapidement pour le récupérer.
auteur de l’histoire: Marc
2eme Session : samedi 15 septembre 2012
Christophe
Montée dans le brouillard, coucher de soleil sur mer de nuage… A 19h30, ça volait déjà dans les galeries et sous le porche, promesse d’une nuit agitée…
Preuve est faite que cette grotte est une immense boite de nuit pour chauve-souris, un site de swarming. Activité intense et continue de 19h30 a 4h du matin au moins… Je me suis endormi au sons des « tsik tsik » (cris sociaux audibles), au bruissements des ailes et au courant d’air sur mon visage… Immersion totale. Nuit magique.
Compte rendu du rassemblement des spéléo-plongeurs des régions C et D
CSR Rhônes-Alpes et CSR Provence-Alpes-Méditerranée (LIPAM)
Le samedi 15 et dimanche 16 septembre, les spéléo-plongeurs de la Fédération Française de Spéléologie des régions C & D se sont réunis pour une rencontre conviviale. L’objectif premier de ce rassemblement était le partage d’expériences tout en pratiquant notre passion dans le réseau du Peyraou de Chadouillet. Onze personnes ont participé à ces journées, sous un agréable soleil.
Le climat clément de l’Ardèche, le choix dans les siphons et leur accessibilité ont conduit logiquement notre choix. Jean-Pierre BAUDU, explorateur du peyraou de Chadouillet nous a proposé cette cavité particulièrement adaptée à nos objectifs. De plus, le réseau « Bertrand LEGER » possèdent des siphons très beaux tout en étant faciles techniquement. Seul, le siphon 1 présente un laminoir qui nécessite un équipement déstructuré.
L’engagement de Jean-Pierre et Philippe au sein de la commission de l’EFPS et du SSF les ont conduits à sensibiliser les participants aux bases de la sécurité en spéléo-plongée : la redondance, le fil, la préparation d’une plongée, et aux conséquences d’un incident : l’attente post-siphon, le secours…
La composition du « sac à main » du plongeur a aussi fait parti des débats sur et sous terre. Quelques plongeurs n’ont pas encore le réflexe « couverture de survie » au départ d’une plongée. A croire qu’ils n’ont jamais eu à attendre des heures. Brice a profité du sujet pour nous faire une démonstration du « Spéléoponcho » développé par Annette Van Houtte. Il s’agit d’un poncho très compact en nylon aluminisé qui peut se glisser sous les casques avec coiffe en sangle. Le gain thermique et le confort sont sans concurrence.
Les participants
dép.
Samedi
Dimanche
Philippe Bertochio
05
plongée
plongée
correspondant « D »
Jean-Pierre Baudu
42
plongée
plongée
correspondant « C »
Cath Baudu
42
balade
balade
Mowgli
69
–
plongée
Brice Maestracci
64
vidéo
spéléo
Mehdi Darques
84
–
plongée
Xavier Robert
69
plongée
plongée
Michel Rassis
84
plongée
plongée
débutant
Guillaume Barjon
69
plongée
plongée
Romain Roure
69
plongée
plongée
débutant
Stéphane Lips
69
–
plongée
Les organisateurs ont insisté sur la nécessité de suivre les stages proposés par les deux commissions. Le tutorat tel que nous le défendons ne peut faire l’impasse d’une formation de base dispensée par des formateurs compétents.
Le camping dans le maquis ardéchois a permis une convivialité très appréciable. Le samedi soir, les discussions se sont éternisées tard dans la nuit sur un sujet toujours prenant : la redondance, d’accord mais quels mélanges dans les bouteilles ? Cette expérience sera bien volontiers renouvelée au printemps.
2011 avait été une année sans. Les travaux de la voie verte nous avaient interdit l’accès au secteur et au réseau. 2012, les travaux sont terminés. Le résultat est étonnant et très beau. La balade dans les tunnels qui s’éclairent au fur et à mesure que l’on avance est curieuse. Mais nous sommes là pour la spéléo.
Le Spéléo Club de la Vallée de la Vis, le Groupe de Recherche et d’Exploration Souterraine de Vigan et le Groupe Spéléo du Rieutord de Sumène ont travaillé d’arrache pied pour la préparation de ce camp. Une ligne électrique depuis le réseau EDF alimente la pompe du siphon 1 de l’éven de Brun. Il n’y a plus qu’à appuyer sur le bouton pour mettre en route. Finis les fastidieux pleins de réservoir à faire sur les groupes, les problèmes mécaniques, électriques… De plus, l’accès au terrain du camp a été aménagé pour nos voitures de tourisme. Il ne reste plus qu’à faire de la spéléo. Nous nous retrouvons tous le mercredi pour monter le camp.
Jeudi, premier portage et première plongée. Les collègues n’étant pas en vacances, je serais seul plongeur cette semaine. Le portage avec Didier GIGNOUX, Benoit MARTINEZ, Serge FERNANDEZ et Jean-Yves BOSCHI sera vite réglé. Didier reste avec moi pour m’aider à l’équipement. Je pars seul avec le matériel de désobstruction pour tenter d’ouvrir le bouchon de calcite en haut de notre escalade terminale. Le sac est lourd. Pas de souci pour la flottabilité, au contraire, j’ai plutôt tendance à traîner au fond. Je suis surpris de voir un fil d’Ariane supplémentaire dans le siphon 2. Il est plus gros que le premier. Le plus souvent, ce fil suit le précédent mais pas toujours. Comment peut-on encore, en 2012, équiper de cette manière ? Un nouveau fil, c’est plutôt bien car l’ancien commence à dater. Mais laisser plusieurs fils dans un siphon vite touilleux, c’est criminel. Évidemment, je n’ai rien prévu pour enlever le fil redondant. Après ce premier siphon en plongée, j’escalade le méandre pour rejoindre la descente sablonneuse vers le siphon 3. Mais là : surprise. Il n’y a pas d’eau. C’est une surprise mais pas une bonne. Je vais devoir, avec mes lourdes charges lutter dans l’argile et les escalades pour atteindre le siphon 4. Dans ce dernier, le fil a aussi été doublé. Plus de doute, il y a du piratage dans l’air.
A la sortie du S4, je pose le matériel de plongée pour continuer avec mon gros kit de désob. Je connais bien, maintenant, la trémie que je franchis rapidement. La suite de la galerie ne présente pas de difficulté technique. Cependant, la progression n’est pas simple car l’argile omniprésente rend le pas peu sûr. J’arrive au pied de l’escalade, notre terminus est au sommet de la coulée de calcite que Laurent CHALVET et Damien VIGNOLES ont franchi l’année dernière. Je laisse de côté le puits inondé que j’irai voir tout à l’heure. Encore une surprise, notre corde qui escalade la coulée, sert de relais pour une corde qui part à droite, une escalade que j’avais repéré mais que nous n’avions pu réaliser faute de temps et surtout de matériel. Je laisse mon kit là pour aller voir où part cette corde. Arrivé au sommet, un monde s’écroule. La suite du réseau est là, évidente. D’abord une grosse salle d’effondrement colmatée par de l’argile sèche puis une galerie basse qui passe dessous. Celle-ci se transforme rapidement en diaclase haute et étroite. Je finis par fatiguer de suivre une série de cairns laissés par nos « pirates ». Je rebrousse chemin. Cette nouvelle galerie rend caduque notre projet de désobstruction de la coulée de calcite. Aussi, je me rabats sur le puits inondé où le manque de corde ne m’avait pas permis d’aller voir jusque dans l’eau. En deux jets, la verticale doit bien atteindre quinze mètres. Cette fois-ci, j’ai bien pris la précaution de fermer ma combinaison avant d’être sur la corde et de prendre un masque. Ce puits ressemble fort à une cheminée d’équilibre, couverte d’une grosse épaisseur d’argile. Au niveau de l’eau, plus d’argile mais une forme de diaclase avec un départ en amont, un autre en aval. Avec le masque et une lampe pour éclairer le fond de l’eau, je constate qu’il ne sera pas possible de franchir ces verrous sans une plongée sérieuse. Si l’aval semble moins profond sur le départ, l’amont plonge directement. Le fond de la diaclase n’est pas visible. Déjà, mes barbotages ont rendu la visibilité exécrable. Le froid commence à s’insinuer au travers du néoprène. Il est temps de se réchauffer sur corde. Là, je constate encore une fois que la combinaison néoprène n’est pas l’ami du cordiste. J’apprécie l’arrivée au sommet pour reprendre mon souffle. Je trouve cette journée suffisamment déprimante pour arrêter là les frais. Il me faudra revenir réaliser la topographie afin de savoir où part cette nouvelle galerie qui a tout du réseau principal. Le retour n’est qu’une question de temps. En sortant du S2, je range le matériel pour un retour après-demain. Comme personne n’est là, je décide de ne pas ressortir les batteries du perforateurs pleines. Je fore dans le bloc qui nous rend le passage bas très inconfortable. Mais la journée continue. Je bloque le foret au premier trou. Mais quelle mouise !
Vendredi, repos et nettoyage du matos. Nous profitons de cette pose pour faire des recherches. Le CRPS de Marseille a publié sur le site de la commission de plongée-spéléo de la FFESSM un article d’une exploration en avril 2012. Je tiens dans un premier temps à remercier l’auteur de cet article de la justesse de ses propos en matière d’historique des explorations. Comme il est dit, depuis 1988, le CRPS avait abandonné les explorations. Il aura donc fallu que nous nous intéressions à cette cavités pour que cette équipe trouve quelques intérêts à reprendre les explorations 20 ans après. Et le principal intérêt annoncé est bien « un esprit de compétition » dans cette exploration. Comment mieux annoncer sa volonté de pirater ? J’invite donc l’équipe du CRPS à relire la charte du spéléo éditée par la fédération française de spéléologie puisqu’elle en est membre. De plus, si je pratique la spéléologie depuis de nombreuses années, ce n’est certainement pas pour un quelconque esprit de compétition. Bien au contraire. J’exècre la compétition. Elle n’a jamais rien eu de positif, particulièrement dans notre activité. Cette fuite en avant ne fait qu’augmenter la prise de risque. Je pratique la spéléologie par soif de découverte et de compréhension de réseaux souterrains. Et cette soif ne peut s’assouvir que dans le partage et le travail d’équipe. Notre équipe continuera donc à avancer à son rythme. Le plongeur que je suis n’est qu’un technicien au service du groupe et de son projet comme l’électricien qui gère les pompes et le porteur de kit sans qui je ne ferai pas grand chose.
Samedi, retour dans le post-siphon 4 pour relever la topographie de la nouvelle galerie. Mon matériel étant déjà au siphon 2, je pars seul. Une équipe viendra ce soir à ma rencontre pour récupérer le matériel. Sans matériel autre que celui de plongée et de topo, je suis rapidement à pied d’oeuvre pour une longue séance solo. Le début avance bien ; les visées sont longues. Dans la diaclase, les choses se corsent. C’est long. Enfin, j’arrive en fin de diaclase et sur le terminus topo de l’équipe du CRPS. Que c’est bête d’être obligé de faire deux fois le même boulot. Après une belle escalade de dix mètres, je découvre un nouveau terminus topo de l’équipe marseillaise dans la galerie des « vagues molles ». C’est un réseau très anastomosé et très corrodé dont le sol est couvert de vagues d’argile du plus bel effet. Je poursuis cette galerie basse en prenant quelques repères mais celle-ci ne cesse de s’aplatir pour finir en laminoir. Pour la descente, j’installe une corde. En post siphon, il vaut mieux ne pas prendre de risque. De ce côté du réseau, les perspectives de continuations sont assez faibles. La désobstruction semble incontournable à moins de se lancer dans un gros portage pour tenter une plongée dans le siphon en bas du puits. Retour en trois heures du fond en ressortant deux sacs de matériel. Nos deux jeunes, Enzo et Boris accompagnés de Didier GIGNOUX me ressortiront les bouteilles le lendemain.