Cet article a été édité dans la revue « Spéléo » numéro 33 de décembre 1999
Historique
Sur les indications d’un berger, J. Tourres, du S.C. de Gap, repère l’entrée du chourum des Aiguilles en 1963. Les explorations débutent en 1964 et atteindront alors la cote -99 m devant l’entrée infranchissable du méandre aux Boutons d’où sort un fort courant d’air. L’été suivant, les membres du S.C. Gap élargiront le méandre et poursuivront les explorations, aidés par des spéléos appartenant à plusieurs clubs (GSPIF, S.C. Salernois, GSGCU, GS Valentinois). En 1966, la cote – 430 m est atteinte et le sommet du Minotier à -510 m en 1967. Les explorations de l’année 1968, fort perturbées par une météo exécrable qui a maintenu le gouffre en crue, n’avaient pu non plus aboutir. Les spéléologues s’étaient alors arrêtés au sommet d’un puits évalué à 40 m (puits Moustique 35 m), à la cote – 620 m.
J. TOURRES raconte : « L’année 1969 fut abordée avec la ferme intention d’atteindre le fond du gouffre et d’en dresser une topographie correcte. Dès le 8 Juin, plusieurs équipes venaient durant les week-ends pour équiper le gouffre et en faire la topographie jusqu’au puits du Minotier dont la cote fut ramenée à – 538 m.
Le 3 Août, un camp était installé dans le vallon des Aiguilles et nous avions deux semaines pour terminer l’exploration du chourum. Participaient à ce camp, le SCA Gap, club organisateur, les Catamarans de Sochaux, l’abîme Club Toulonnais et le SC Salerne. Le 5 Août, une équipe des Catamarans descendait dans le gouffre. Après avoir franchi le puits de 40 m, terminus des précédentes explorations, elle parcourait une galerie de 70 m au fond de laquelle s’ouvre un puits de 11 m. Hélas, ce puits devait marquer le terminus du gouffre. Au fond, l’eau disparaît au delà d’un siphon étroit et infranchissable.
Les 6 et 7 Août, nouvelle descente, mais cette fois-ci de deux équipes du S.C. Gap et de l’ACT dans le but d’étudier le siphon et d’évaluer les chances de le franchir en scaphandre. Ces équipes devaient aussi explorer systématiquement tous les diverticules, départs de galeries ou de méandres qui auraient pu permettre de contourner le siphon. Ces tentatives se révélèrent négatives, néanmoins, la topographie du gouffre était faite jusqu’au fond (-682 m).
Le 8 Août une équipe de Salernes descendait à son tour pour déséquiper le gouffre jusqu’au camp de base à -500 m. Les 10 et 12 Août, les équipes se succédaient pour déséquiper le gouffre. » L’A.C. de Toulon revient en 1972, avec l’aide du S.C. Savoie pour explorer un amont repéré à la cote – 205 m. La remontée de cette nouvelle galerie permet de découvrir rapidement la salle II (57 x 23 m), un record pour le Dévoluy. De là, Les chambériens découvrent la galerie de Savoie avec un premier terminus – la galerie aux fossiles – à l’altitude 2093 m. A mi-galerie, une escalade de 18 m les conduit dans une longue galerie remontante pour arriver au point le plus haut de la cavité (alt. 2293 m). Le dénivelé total passe à – 980 mètres. Le chourum des Aiguilles devient alors la troisième cavité la plus profonde de monde. Depuis la salle II, les varois franchissent une escalade de 20 m et atteignent le départ de ce qui deviendra la galerie du Var. Un dénivelé de 500 m est remonté avec l’escalade de plusieurs puits dont le magnifique Dalaï-Rama P44. Au pied de celui-ci, de l’herbe sèche trahit la présence proche de la surface. L’escalade du puits, réalisée par Bernard LYONNE conduit à un tas de terre noire avec des racines. Bernard, Marc PAPET, Bruno GEORGES et ??? entament une désobstruction. Bruno plante à travers l’obstruction un piquet de tente. Deux jours plus tard, Marc et Bruno y retourne pour achever l’ouverture. Et pour la première fois, l’équipe sort à l’extérieur. La nouvelle entrée devient le chourum de la Rama. La première traversée est réalisée du bas vers le haut.
Les mêmes équipes découvrent en 1973 des galeries supérieures au puits du Minotier dont la Voie Express qui rejoint le sommet du puits Moustique. C’est au pied de ce puits qu’un nouveau siphon est découvert. Plongé en 1974 par P. Paris, il conduit rapidement à un laminoir.
En 1974, V. Luparini prouve par traçage la relation entre le réseau et la source des Gillardes, principale résurgence du karst local.
En 1978, avec l’aide des Voconces de Serres (05), F. Poggia plonge le siphon des Catamarans (siphon terminal). Il s’agit en fait d’une voûte mouillante en laminoir. Il s’arrêtera sur étroiture à une dizaine de mètres. Organisé au même moment, un stage E.F.S. découvre une autres galerie amont arrivant dans la salle II : La galerie aux Épouses. A notre connaissance, il n’y a pas eu de découvertes conséquentes depuis.
Retour aux sources
En novembre 1998, les membres du Spéléo club alpin de Gap décident de revoir le fond de la cavité pour améliorer un équipement vieillissant et renouer avec la cavité qui a marqué l’histoire du club. De nombreux points d’interrogation nous apparaissent alors sur la topo et dans les comptes rendus d’explorations. Nous décidons de fermer l’entrée avec des planches et une trappe pour pouvoir y accéder tout l’hiver. Le 29 novembre 1998, avec Didier Garreau, Stéphane Rogeau et Christian Kupiec, nous rentrons sous terre après deux heures de portage en raquettes et une demi-heure de pelle pour ouvrir la trappe. Aujourd’hui, l’objectif est de revoir le siphon terminal. Deux kits pour les bouteilles de plongée de six litres en aluminium, un kit plongeur et un kit nourriture, nous sommes relativement légers puisque la cavité est déjà équipée jusqu’à – 600 m. Il ne reste que le puits Moustique et celui de la Déception à équiper et les cordes sont à – 500 m. Nous connaissons suffisamment bien la cavité pour arriver au fond en trois heures. Je commence à m’équiper au sommet du puits de la Déception, le fond étant copieusement arrosé. J’entends alors Christian arriver en pestant. Son appareil photo jetable vient de tomber à l’eau. Malgré la pochette nylon, il a pris l’humidité. C’est le seul appareil pour fixer cette plongée, alors la pression monte. Il essaie une photo. Échec, le mécanisme a pris aussi, il n’y a plus d’enroulement. Avec le calme reconnu du capitaine Haddock qui ne trouve pas sa bouteille de whisky, Christian balance l’appareil au fond du puits, accompagné par quelques jurons du meilleur cru. Didier ne retrouvera qu’un tas de pièces détaché mais sauvera la pellicule et les deux clichés qui étaient déjà dessus. Dans mon coin, je laisse passer l’orage et finis de m’équiper. J’ai déjà une idée précise de la galère dans laquelle je m’engage car un an auparavant j’avais mis la tête dans ce laminoir en voûte mouillante. Aussi, j’ai prévu un montage des bouteilles dit « à l’anglaise » c’est à dire de chaque côté des hanches et des cuisses. Testé en piscine, tout allez bien. Sur le terrain, rien ne va plus. Pour atteindre l’eau, je dois ramper en tenue de plongée dans un bruit assourdissant de bouteilles qui rencontrent les rognons de silex. En fait de voûte mouillante, c’est plutôt le parcours du combattant où les bouteilles cognent encore et se coincent partout entre les blocs affleurants. Changement de tactique, j’enlève les bouteilles après quelques minutes de combat inutile dans ce laminoir et sans oublier de perdre un peu d’air avec les détendeurs qui fusent et de laisser des morceaux de néoprène sur les arrêtes. Heureusement, à ce niveau, je ne suis pas obligé d’utiliser l’air des blocs car le temps avance et je n’ai pas encore parcouru les dix mètres de Frédo. D’ailleurs, je suis son fil d’Ariane (1978?) toujours en place. Les crues ne doivent pas être terribles dans ce secteur de la cavité car le fil a l’air neuf. Par précaution, j’en déroule un autre, ce qui me vaut quelques nœuds car la place est chère dans ce trou de ch… Ça y est, j’atteins le terminus.
Tout droit, un boyau exondé continu. Je laisse les bouteilles pour le visiter. Quatre mètres et c’est la queute. Retour sur la fin du fil où une étroiture sévère et « sèche » part à gauche pour donner sur un plan d’eau dont le niveau est plus bas que la voûte mouillante. Je tente le passage sans les bouteilles. Le casque racle un peu mais passe. Par contre, le masque s’y refuse. Je le descends au niveau du cou et en forçant juste assez pour laisser encore un peu de néoprène, je plonge tête première dans la vasque sans masque ni bouteille. Avec plaisir et en apnée, je découvre que je peux faire demi-tour sans trop d’efforts et attraper les blocs de l’autre côté de l’étroiture. Bouteilles en avant, j’explore la vasque de 40 cm de profondeur et de 2 m² de surface maximum. C’est pas la fontaine de Vaucluse ! A l’opposé de l’étroiture, cette flaque a l’air plus profonde mais mes bouteilles tamponneuses ne trouvent pas de passage. A ce moment, c’est mon phare qui trouve la suite. Une envie de liberté le prend, il se détache, tombe au fond de la vasque et par le fil électrique me tire sur le casque. Juste sous les bouteilles, le plancher, une strate de silex, est creux. J’y enfile les blocs mais ils sont vite arrêtés par un autre plancher. Je pousse en avant, en arrière, rien. A gauche, oui, c’est bon, ça passe. Je suis les bouteilles en continuant de dérouler le fil tant bien que mal. Ce passage, à sec, aurait fait une sacrée boite aux lettres. Je me demande si je vais retrouver le chemin de retour. A peine cinq mètres de première et deux infâmes étroitures. Ça promet. J’avance en tâtonnant avec les bouteilles qui me cachent la suite. Elle semble plus large. Tant mieux, j’ai ma dose d’étroitures. Ce n’est pas la joie en terrestre mais en plongée bonjour l’angoisse. Un coup d’oeil aux instruments. J’ai atteint la profondeur record de 1 mètre et je suis toujours dans le même axe. J’avance doucement sur les genoux et les coudes, au plafond. J’ai laissé les palmes à la maison car vu les dimensions, ce n’était pas raisonnable de les traîner ici. Trois mètres plus loin, c’est presque spacieux, assez pour pouvoir faire demi-tour. Je trouve même de quoi fixer le fil. J’ai pas fini le nœud qu’un des détendeurs se bloque ouvert. Je dois fermer la bouteille avant qu’elle ne se vide. Il faut me rendre à l’évidence, je ne peux pas continuer avec une seule source d’air. En plus, cela m’arrange car j’ai fait le plein de sensations fortes. Et puis il faut encore remonter. Dans l’eau, j’ai vite oublié que nous sommes à – 680 m, à quatre avec tout le matos et en plus en hivernale. Avant de rebrousser chemin, je fais un tour d’horizon pour avoir un aperçu de la suite. Elle ne semble pas engageante. La galerie repart en laminoir étroit avec des blocs coincés. Je coince la bobine sous une pierre et direction la sortie. Je me repasse le film de l’aller à l’envers mais le paysage a changé. Je vois partir le fil sur les cinquante centimètres de visibilité qui reste dans des passages ahurissants. Ce n’est pas possible que je sois passé par ces horreurs d’étroiture. Finalement, à grands coups de bouteilles dans les parois, je rejoins la boite aux lettres que je franchis à la troisième tentative et uniquement de mémoire car la visibilité est maintenant nulle et le fil est coincé en interstrate. Je retrouve avec beaucoup de plaisir la surface. L’étroiture sèche et la voûte mouillante me paraissent presque un jeu d’enfant. J’accroche les bouteilles à la corde du puits pour les faire remonter pendant que je remets les bloqueurs. La corde revient, c’est à mon tour. Au sommet du puits, une soupe chaude m’attend. Merci les copains. La remontée sera comme d’habitude une succession d’escalades et de puits franchis en moins de cinq heures. Nous nous changeons au pied du premier ressaut car dehors c’est l’hiver et la nuit. Nous avons passé dix heures sous terre et il nous reste deux heures de raquettes pour rejoindre les voitures. Il ne fait vraiment pas chaud car l’eau gèle dans les Arianes (générateur d’acétylène). Le reste de la nuit sera beaucoup plus calme mais court car le boulot nous attend.
Perspectives et explorations
L’exploration du chourum des Aiguilles peut être considérée comme terminée même si tout n’est pas expliqué. La jonction avec l’un des grands réseaux alimentant directement l’énorme exsurgence des Gillardes située 468 m plus bas et à 11 km à vol d’oiseau du fond du gouffre retombe dans le domaine du rêve. Le gouffre se développe vers et sous le synclinal du vallon des Aiguilles. Même si V. Luparini a démontré la relation par coloration en mai 1974, la pente moyenne faible de 4 % pour rejoindre la source ne laisse guère d’espoir. De plus, un siphon terminal étroit et difficilement accessible, des strates quasi-horizontales laissent présager un réseau noyé ou tout au moins souvent coupé de siphons.
Description
Le chourum des Aiguilles, l’entrée historique, est aussi l’entrée la plus fréquentée. L’accès est facile puisqu’il suit le GR69 sur la première partie et traverse les pâturages ensuite jusqu’au col du Serre du Vallon. La doline d’entrée, marquée de son grand cairn, est relativement simple à trouver. Elle se situe à 250 m du col au nord-ouest. Il faut compter 1 heure 30 de marche depuis le col du Festre. Sous terre, la progression et l’itinéraire sont simples ce qui en fait un – 700 facile.
De l’entrée des Aiguilles à la jonction (-205 m) : jusqu’à – 100 m, la galerie, encombrée de blocs au début suit une pente forte coupée par des ressauts et des puits n’excédant pas une dizaine de mètres : puits du Cinéaste 12 m, puits du Chamois 7 m, puits de la Chauve-souris 10 m. Là, débute le méandre aux Boutons qui n’est plus aujourd’hui qu’une légende. En effet, l’évacuation en 1987 de Daniel, fauché par une avalanche de pierres dans la trémie de la jonction (-205 m), avait nécessité l’élargissement de ce seul passage étroit de la cavité. Cependant, si le chourum n’est pas très étroit, il n’est pas non plus ce qu’on peut appeler un boulevard. Il prend le plus souvent la forme d’un long méandre, large de 80 cm à 1,50 m. Après ce méandre de 50 m, les puits du Pilier 10 m, de l’Auvergnat 14 m et du Château de Cartes 15 m s’enchaînent presque. Le Château de Cartes doit son nom au côté chaotique de la zone. Le calcaire Sénonien du Dévoluy est constitué d’une alternance de fines strates de calcaire, tantôt tendre, tantôt dur selon la quantité de silex inclus mais toujours cassant. Dès que les galeries atteignent un certain volume, les effondrements sont importants. Des trémies instables occupent alors l’espace ce qui donne de nombreux passages délicats et dangereux. A partir du Château de Cartes et jusqu’à la jonction, les dimensions sont plus grandes (6×10 m). A – 205 m, le laminoir des courants d’air nous ouvre l’accès vers le fond. Alors que tout autour, l’actif a évacué une grande quantité de remplissages, ce laminoir est constitué sur 15 m de long d’un plancher de blocs immobilisés par la calcite. Il en va de même pour toute la zone de la salle à manger, l’accès au réseau de la Rama. Le danger réside dans le fait que l’actif a vidé le dessous de cette zone qui se retrouve suspendu grâce à la calcite.
L’accès à la salle I se fait maintenant par le sommet des galeries de la salle à manger. Pour éviter cette zone très instable et à l’origine de plusieurs accidents, nous avons installé une main courante en corde sur broches inox de 70 m de long. Il s’agit d’une aide à la progression et non d’une assurance. Il est donc indispensable de doubler l’équipement. Prévoir 80 m de corde et une vingtaine de mousquetons.
De la jonction (-205 m) au fond (-682 m) : en poursuivant la descente, l’actif apparaît à la cote -230, juste après le puits du Lac 10 m. Par la suite, tantôt elle disparaît, tantôt elle réapparaît suivant la configuration des galeries/méandres. Mais nulle part, elle n’est un obstacle posant problème. Les méandres supérieurs permettent souvent d’éloigner l’équipement des cascades comme pour le puits de la Trempette où il faut aller chercher dix mètres plus loin le plein pot hors crue. Seuls les puits Gaulois 12 & 18 m ne sont pas faciles à équiper hors crue. Les déviations, délicates à franchir et fragiles, sont souvent un remède pire que le mal. Les crues du chourum des Aiguilles, comme dans de nombreux gouffres alpins, sont rapides et brutales, mais non dangereuses. Dans ces cas là, la prudence veut que l’on attende la décrue et surtout sans tenter la remontée des puits du fond à – 300 m. Ensuite, les puits Jacques 33 m et Martine 8 m nous amènent à – 454 m. On se trouve alors dans une galerie en faille où les multiples ressauts conduisent au camp – 500 m ou camp de la Cuisse de Mouche. Ce camp a servi de bivouac pendant les premières explorations, et malgré les 400 litres de poubelles remontées par nos équipes, il reste un bon mètre cube à sortir. Le camp est sec mais exigu, à plus de trois on se marche vraiment dessus. Juste après le camp, une résurgence semble ramener dans les galeries l’actif de la Rama. Cette partie de la cavité, jusqu’au puits du Minotier, est certainement la plus belle. Un débit de plusieurs litres/seconde joue dans les ressauts taillés dans le calcaire et où les bancs et rognons de silex forment des bras qui traversent le méandre. Le puits du Minotier de 24 m apparaît comme une grande marche. L’actif se jette dans ce grand trou noir et arrose copieusement les parois. Pour éviter l’eau, préférez un équipement rive gauche pour rejoindre un éperon à – 7 m qui vous protégera de l’eau. Au fond du puits, un petit lac trahit à son aval la perte de l’actif dans un laminoir impénétrable. Une escalade de dix mètres permet de rejoindre la Voie Express qui mène au sommet du puits Moustique mais aussi aux galeries supérieures. Pour le fond, préférez la voie normale fossile par le puits Jo (22 m) et le méandre Serrano (facile) qui donne sur le puits Moustique. Les escalades des galeries supérieures sont équipées depuis les années 1972-75. Attention, la garantie du fabriquant ne peut plus être invoquée…
Le puits Moustique (35 m) est toujours un peu arrosé. Pour limiter la douche, il faut aller chercher l’équipement de l’autre côté du puits. Il s’ouvre sur une faille importante et joue le rôle de collecteur. En plafond du puits arrivent les actifs des galeries supérieures. Le méandre Serrano, fossile aujourd’hui, débouche à mi-puits et un troisième amont colmaté se connecte à son pied. Toutes ces galeries se rejoignent par le puits Moustique pour continuer dans la galerie terminale jusqu’au puits arrosé de la Déception et le siphon terminal.
Du chourum de la Rama à la jonction : cette entrée, 276 m au-dessus des Aiguilles, est peu connue. L’accès plus long et l’entrée difficile à localiser ont conduit ce chourum a une très faible fréquentation. Aussi, l’équipement est à peu près celui des explorateurs. Autant dire qu’il est quasi inexistant. Pourtant, cette partie du réseau n’est pas dénuée d’intérêt. On y trouve les plus jolies verticales, à commencer par le puits du Dalaï-Rama (44 m) dont le fond est à l’aplomb de la galerie de Savoie. Arrivé à sa base, on doute des possibilités de continuation. En fait, il faut faire une grande escalade, une corde pourrie est en place, pour accéder au sommet du puits de la Lévitation. A partir de là, la galerie prend la forme d’un haut méandre où les bancs de silex forment des excroissances. Le cheminement n’est pas toujours évident, surtout autour du passage de la Serrure, mais ce n’est pas pour autant un labyrinthe. Il faut toujours beaucoup descendre. Le faible équipement surprend mais les désescalades sont faciles pour peu que l’on prenne garde à la relative fragilité des bancs de silex qui nous servent de marches. La descente est rapide et l’arrivée dans la salle II est grandiose. Plus loin, pour accéder à la salle I, il faut quitter la rivière par une escalade de 5 m sur rive gauche juste après le dernier ressaut. La jonction par la diaclase/trémie se fait à l’autre extrémité de la salle. Là, il faut suivre la main courante en place. Ne pas tenter de poser les pieds dans la trémie au risque de la voir se comporter comme un sablier et vider une partie des dizaine de millier de mètres cube de blocs de la salle I qui se trouve juste au-dessus.
Les galeries remontantes : elles ne présentent pas un grand intérêt si ce n’est du point de vue spéléométrique. Toutes, elles se terminent sur trémie et il n’est pas conseillé d’y mettre la tête. Cependant, la galerie de Savoie est étonnante à plusieurs titres. D’abord, à partir de la salle II, elle permet de remonter sur 360 m avec seulement deux verticales de 18 m. Ensuite, elle se présente, dans son amont, sous la forme d’une galerie de belles dimensions (4 à 6 mètres de large) avec des massifs stalagmitiques totalement démolis. Cela donne à la zone la drôle d’impression d’être en présence d’un monument grec en ruines.
Les Aiguilles en quelques chiffres
Profondeurs
– chourum de la Rama – fond – 958 m
– chourum des Aiguilles – fond – 682 m
– point haut du réseau de Savoie + 22 m
– dénivelé maximum – 980 m
Développements
– développement total 5500 m
– chourum des Aiguilles – fond 1430 m
– chourum du Rama – jonction 1030 m
– réseau de Savoie – salle II 1020 m
– galeries supérieures 1220 m
– divers départs et shunts 800 m
FICHE D’ÉQUIPEMENT DU RÉSEAU
Très approximative, prévoir une pochette à spit bien garnie.
Avertissement :
– l’ensemble de l’équipement est prévu hors crues et pour des équipiers lourdement chargés. Les ressauts peuvent toujours être passés en escalade mais aux risques et périls de chacun. Attention, le rocher du Dévoluy est pourri. Il faut toujours bien s’assurer de la solidité de chaque prise, même si, et surtout si elle pèse une tonne.
– la trémie de la salle à manger qui permet la jonction avec la Rama est très instable. Déjà deux incidents et un accident, alors ne pas y mettre même un bout de botte. Une main courante a été mise en place pour shunter la trémie.
– l’équipement pour le fond est prévu par le méandre Serrano car la voie Express n’offre pas beaucoup de garanties de sécurité. Certaines cordes fixes dans les escalades datent de 1972 et sont très abîmées.
Le Dévoluy
Situation
Le massif du Dévoluy est une cuvette calcaire de 300 km² des pré-Alpes du sud. Limité par les trois vallées du grand et petit Buëch et du Drac, le massif apparaît comme une citadelle. En effet, le Dévoluy est ceinturé de falaises pouvant atteindre 500 mètres de haut. Seuls, deux accès routiers, un au sud par le col du Festre et un au nord par Corps, permettent de s’y rendre. Un troisième accès par le col du Noyer est possible deux à trois mois par an seulement. Principalement dans les Hautes-Alpes, le Dévoluy chevauche aussi un peu l’Isère et la Drôme. A 200 km de Marseille, 60 km de Grenoble, 80 km de Valence et 40 km de Gap, les distances sont courtes mais le voyage pas toujours. Si, à la belle saison, les petites routes sont agréables, monter sur le Dévoluy l’hiver est une gageure. De toutes façons, venez y faire du ski plutôt que de la spéléo car rares sont les cavités ouvertes en saison froide. Les explorations, suivant les niveaux d’enneigement, peuvent démarrer au mois de mai. Cependant, cette année a été exceptionnelle. Avec quatre mètres de chute de neige cumulée, il a fallu attendre le 15 août pour pouvoir faire le chourum Clos. Les années précédentes, il restait accessible même en plein hiver. Les saisons les plus favorables sont donc l’été et l’automne.
Géologie et Hydrologie
Le Dévoluy est un énorme synclinal orienté nord/sud et de pendage nord. Les bords est et ouest forment les barrières de falaises où se dessinent quelques sommets caractéristiques : le Grand Ferrand, le Rocher Rond, l’Aupet et l’Obiou pour l’ouest et pour l’est la montagne de Féraud. Le constituant principal, zone où se développent les cavités, est un calcaire Sénonien à silex. Celui-ci est posé en discordance sur le Crétacé inférieur dont l’Aptien imperméable. Dans le fond du synclinal, on trouve des roches plus récentes : nummulitique, flysch, grès, molasses et moraines. Mais, spéléologiquement, tout se passe dans le Sénonien, aquifère principal. La forme du massif, en cuvette ouverte au nord, impose une circulation des eaux en son centre et vers le nord. Ce drainage est encore renforcé par une orientation nord/sud des axes tectoniques. Sur le terrain, cela se traduit par une émergence unique : les sources des Gillardes. Impénétrables, les sources sortent de dépôts fluvio-glaciaires. Le débit varie de 0,5 m³ à l’étiage et à 50 m³ en crue. Il existe, dans le réseau, des pertes de charge qui imposent, en crue, une remontée du niveau de base. Dans les cas de très grosses précipitations, le niveau peut remonter de 225 mètres et transformer le puits des Bans en exutoire temporaire. Les 2/3 de la surface du Dévoluy étant calcaire, les gillardes sont le cours d’eau principal. Pourtant, il existe aussi en surface et dans le fond du synclinal deux petits torrents : la Souloise et Ribière.
Au sud, seul le plateau de Bure, connu pour son observatoire astronomique, échappe à la logique de la source unique. P. Duluc en 1973 et R. Maire en 1980 ont montré par coloration que les chourums du plateau étaient en communication avec la petite source de la Sigouste, à l’extrême sud du Dévoluy.
La spéléo
Si le Dévoluy a une surface occupée au 2/3 par un calcaire, malheureusement, son silex micro-fissuré et ses strates d’épaisseur modeste rendent ce calcaire très fragile. Sous terre, les cavités sont trop souvent obstruées par des trémies qui représentent un danger réel. Pour les mêmes raisons, il est fortement déconseillé de franchir les ressauts sans corde car les prises vous restent dans les mains. Pourtant, si vous aimez la marche en montagne (1 à 2 heures d’accès en moyenne), vous n’aurez que l’embarras du choix pour les cavités puisque plus de quatre cents sont actuellement répertoriées. Vous ne dérangerez pas grand monde pour accéder aux entrées car elles se trouvent essentiellement dans les pâturages. Mais pensez à laisser le chien en bas et à bien fermer les portes des parcs si vous ne voulez pas passer la suite de votre journée à courir après les moutons. Enfin, l’hébergement est facile à trouver en été avec les capacités d’accueil de la station de ski.
Bibliographie partielle
Spélunca – 1966 – page 233
Cavernes (bulletin suisse) 4/1966
Spélunca – 1967 – page 269
PLEIN AIR ET CULTURE 95 et 100
Tauping (groupe Catamaran) 1967 n° 35
Tauping (groupe Catamaran) 1968 n° 39
Spélunca – 1969 – page 60
Spélunca – 1970 – page 211
Tauping (groupe Catamaran) 1972 n° 5
P. COURBON – 1972 – Atlas des grands gouffres du monde
Spélunca – 1973 – page 56, 116
P. PARIS – Spélunca – 1974 – page 18-19, 27
Voconcie – 1974 – Bulletin n° 4
SC Savoie 1974 – bulletin n° 74 6 Spéléos P 45
SC Savoie 1974 – Actes du XIè congrès Rhone Alpes
V. LUPARINI – 1974 – Thèse d’hydrologie – Fac des Sciences – MARSEILLE
P. COURBON – 1975 – Atlas de Provence
P. COURBON & R. PAREIN – 1991 – Atlas souterrain de la Provence et des Alpes de Lumière
Voconcie – 1999 – bulletin n°20