23 et 31 juillet 2020
Voilà une baume qui nous tourmente depuis bien longtemps. Christian Kupiec avait réalisé un grand nombre de photos et de vidéos du Dévoluy avec ses drones. Lors d’une de ces sorties « prise de vue » en compagnie de François Parrini, il grimpe avec son camion, par la Drôme, au col de la Croix à la Jarjatte. De là, il mitraille, d’un peu loin car en limite de possibilité de son drone, les falaises des Aiguilles côté nord. Sur ordinateur, nous cherchons l’entrée en falaise du chourum des Nains Jaunes et apercevons une tache noire très intéressante…
Depuis plusieurs années, je reporte une visite afin de vérifier cette « tache ». Il faut dire que l’accès n’est pas aisé. La montée à la Rama se fait en deux heures. Ce n’est pas terrible mais plus on avance et plus c’est raide. Une fois au sommet, il faut redescendre à la manière d’un chamois les éboulis jusqu’à la limite des falaises et traverser vers le sud cette combe très escarpée et instable.
Le 23 juillet, très tôt le matin afin de bénéficier de la fraîcheur, je pars pour tenter de repérer cette entrée. Dans la combe côté Jarjatte, je regrette de ne pas avoir pris avec moi une impression de la photo. Au milieu des éboulis, dans la pente, difficile de situer la zone de mémoire. Je descends donc au maximum pour ensuite traverser toute la combe et remonter en zigzag. Mais ce ne sera pas la peine. Je découvre l’entrée du côté sud juste au-dessus d’un petit névé qui vit ses derniers jours.
Je fais un rapide tour dans la première partie horizontale avant d’être arrêté vingt mètres plus loin. Une pente instable de blocs laisse place à un glacier fossile. Sans corde ni crampons, il est trop risqué de poursuivre. Je dresse la topographie de la partie parcourue.
Le 31 juillet, avec Titouan, nous y retournons. Mais cette fois-ci, impossible de courir avec les sacs chargés du matériel de spéléo et de glace. La montée sera beaucoup plus chaude et plus longue. A l’entrée, le névé a presque totalement fondu. Rapidement équipés, nous plantons deux broches et lançons la corde dans le noir.
L’excitation de la première sera de courte durée. Après une descente de 30 mètres sur une pente de 45°, nous arrivons sur une zone horizontale basse de plafond et encombrée de blocs pris dans la glace. Vingt mètres plus loin, le plafond rejoint le sol sans courant d’air perceptible. Le relevé topographique est réalisé sur le retour. Entre les blocs, nous découvrirons un morceau de crâne qui devait appartenir à un bouquetin. Très abîmé et de consistance molle, nous le laissons sur place où il durera certainement plus longtemps qu’au soleil.
Résultats de la journée : développement 76 mètres pour une profondeur de 20 mètres.
Avec du recul, cette cavité a certainement déjà été fréquentée par des spéléologues. En échangeant avec des collègues, l’entrée est bien visible depuis le col du Charnier. Mais l’accès aérien et instable n’en fera pas une cavité très courue. Maintenant topographiée et publiée, elle peut rejoindre l’inventaire des cavités du Dévoluy.
Titouan et Philippe BERTOCHIO