Plongée hivernale à l’éven de Brun

Plongeurs : Isabelle PERPOLI, Damien VIGNOLE, Serge FERNANDEZ (l’Espagnol), Philippe BERTOCHIO
Sherpas : Véronique & Jean-Yves BOSCHI, Aurélien ETIENNE, Didier GIGNOUX, Guilhem MAISTRE, Hervé SOULIER, Luc NEPPEL.


Rendez-vous était donné sur la place du village de Bez. A tour de rôle, nous arrivions dans cette fraîche matinée hivernale, accompagné d’un petit crachin. Je ne sais si c’était le froid ou la perspective d’une longue journée, mais nous étions tous au ralenti. Pourtant, il fallait bien y aller…
Nous posons les voitures à la station d’épuration de las Fons et préparons les dernières charges. Tout est discuté afin de se charger le moins possible. Cette fois-ci, le siphon 1 est plein. Nous n’aurons pas de porteur pour aller jusqu’au siphon 2. Nous n’aurons pas le temps non plus de faire des aller-retour entre le S1 et le S2. Il s’agit donc d’enchaîner jusqu’au S4 avec le matériel d’escalade, de topographie et les bi sur le dos. Puisque nous sommes quatre, nous nous donnons deux objectifs : les escalades post-siphon et la poursuite de l’exploration/topographie de la galerie principale. Damien ira avec Isabelle faire la topographie et l’exploration. J’irai avec l’Espagnol faire l’escalade.

L’accès au siphon 1 se fait sans souci. Jean-Yves peaufine sa rééducation avec une charge. Nous observons les traces de la dernière crue. Les cordes ont bien souffert. L’amarrage et la corde de rappel du canot ont aussi disparu. Les aller-retour sur le lac nous retardent à peine. En revanche, il faut jouer des coudes pour trouver un peu de place au bord de la vasque du S1. Dire qu’il y a une grande plage de sable à quelques mètres au-dessous. Le paysage tranche franchement de celui que nous donne le siphon désamorcé. Nous parvenons malgré tout à nous équiper en équilibre sur les blocs. Serge a un problème avec un détendeur qui se réglera par un échange standard. J’en avais prévu un de plus au cas où ! La mise à l’eau est superbe. Alors que la surface libre est modeste, une fois la tête sous l’eau, la galerie est majestueuse. Nous descendons le long du câble en flottant dans une galerie toujours plus grande. Le fond est couvert de sable et de gros blocs épars. Le point le plus profond atteint 25 mètres, se transforme en tube de section carré un peu moins vaste. De l’autre côté, la remontée se fait sur un éboulis très pentu de gros rochers imbriqués. Là aussi les formes s’évasent. Le lac de surface ne ressemble en rien à celui de départ. C’est une belle étendu d’eau. Nous laisserons le relais ici pour continuer avec le bi 4 litres. Le temps de se retrouver et de ranger les palmes, nous démarrons le long portage jusqu’au siphon 2. Le cheminement est fait de descentes et d’escalades, d’équilibre sur les banquettes ou de passages bas dans une trémie ponctuelle. Mais chargés comme nous le sommes, que c’est long ! Que c’est chaud ! Nous commençons à regretter d’avoir gardé les combinaisons de plongée.

Traversée du lac en canoé (photo : G. Maistre)
Traversée du lac en canoé (photo : G. Maistre)

Enfin le siphon 2. Il arrive comme une libération. Nous savons que la suite sera moins pénible. Les siphons 2 à 4 s’enchaînent presque. Ensuite, plus besoin de bouteilles. Nous prenons le temps de faire redescendre la température intérieure avant de plonger. Les coups de chaud et froid ne sont jamais très bons. Nous papotons tout en barbotant. Le moment venu de replonger nous rappelle que ces siphon là sont peu profonds. Notre équipement a minima ne facilite pas l’équilibrage. Il nous faut charger quelques galets pour un meilleur lestage. Les siphons se passent rapidement malgré une visibilité médiocre. Sur la plage d’argile post-siphon 4, nous laissons le matériel de plongée à l’exception du bas de combinaison et du matériel de progression. Je retrouve facilement le passage dans la grande trémie mais les cailloux se décrochent trop facilement. Il nous faut redoubler de vigilance et laisser un espace important entre nous pour nous protéger. Une fois au sommet, les choses sérieuses commencent. Avec l’Espagnol, nous gagnons la cheminée à escalader et notre couple de spéléo rejoint le terminus topo. Je sors le perfo, la mèche et les amarrages que j’accroche au baudrier. Un pas d’escalade pour m’engager à la base de cette belle cheminée, pas très grande mais particulièrement propre. Serge me rejoint pas assurer mon ascension. Le premier mètre de roche est composé d’une horrible marne verdâtre et glissante. On dirait de la pâte à modeler version « slim ». Impossible de trouver une prise de pied. Je suis obliger de commencer à forer à ma hauteur. Cinq minutes après, je peste contre le foret pourri qui n’a pas percé plus d’un centimètre. Même si le perforateur semble mou du genou, il n’y pas de raison pour que cela ne perce pas. Changement de foret et je reprends. Rien à faire ! Encore dix minutes et il y a juste de quoi poser un petit goujon. Impossible de continuer dans ces conditions. La batterie est déjà à plat et je n’ai gagné que cinquante centimètres. Nous abandonnons là l’escalade pour rejoindre l’autre équipe qui aura peut-être plus de succès. Damien confirmera l’état de la batterie. Il a pris la mauvaise…

Mise à l'eau au siphon 1 (photo : G. Maistre)
Mise à l’eau au siphon 1 (photo : G. Maistre)

Nous rejoignons Isabelle et Damien, toujours sur la topographie de cette belle galerie. Mais l’euphorie est de courte durée. Une courbe à droite apparaît avec une fracture nette et surcreusée au plafond. La suite est plus basse puis rapidement très vaste. De grands talus d’argiles occupent le fond et les parois sur une bonne hauteur. Au plafond, une sorte de méga-cloche et en face une grande coulée de calcite où des gours sont remplis de jolis graviers roulés et lavés. Les crues semblent faire sourdre l’eau de dessous, au travers de l’empilement des gours. Du haut de la cascade, un petit actif trace un sillon dans l’argile. L’escalade sera réalisée en libre avec un bout de corde en main courante sur le haut. Celle-ci donne accès à une modeste galerie qui rapidement est obstruée par les concrétions. Il faudra beaucoup d’énergie pour envisager la désobstruction. Dans la grande cloche, à l’opposé de la coulée de calcite, il semble y avoir une terrasse ou un méandre de galerie. Il faudra aussi aller voir de ce côté là aussi. Mais nous n’avons pas assez de corde pour l’effectuer aujourd’hui. Sur le chemin du retour, Isabelle découvre un petit passage au sol, entre les blocs. Il donne accès à une galerie qui se parcourt à quatre pattes. Elle revient d’abord vers l’aval mais un bras part à l’opposé cinq mètres après. Nous nous engageons tous dans ce petit conduit pour parcourir une dizaine de mètres et déboucher en haut d’un puits recouvert d’argile en grande quantité. Je fixe une corde autour d’un gros bloc. Elle s’enfonce dans l’argile profondément. En descendant, des amas de boue se détachent et dévalent la verticale. Malheureusement, la corde sera trop courte pour atteindre le fond. A suivre…

Le retour sera rapide jusqu’au siphon 2, mais plus laborieux pour rejoindre le siphon 1. La fatigue aidant, le portage aura raison de nos dernières gouttes d’énergie. La mise à l’eau dans le siphon 1 sera un soulagement. Nos douleurs vont bientôt s’atténuer. Nous abandonnerons les bouteilles pour revenir les chercher demain. Un sac sur le dos, direction la sortie et la maison de Serge Fulcrand qui nous héberge. Cerise sur le gâteau, le civet est encore chaud lorsque nous arrivons à Bez !
Après une nuit réparatrice, le portage du reste du matériel du siphon 1 aux voitures nous semblera une formalité.

250 mètres de topographie réalisée ce jour là et un peu de première.