Chourum des Nains Jaunes

Mardi 22 juillet 2014

On pourrait s’attendre à du beau temps pour la période, mais il fait frais avec du vent, des nuages. Je fais connaissance avec l’équipe de l’Ain : Marilyne, Philippe, Christophe. Christophe hisse son véhicule jusqu’à la cabane tandis que je me dégourdis les jambes en montant sans sac. Je discute un moment avec la bergère et sa famille avant de rejoindre les autres.

Sans grande conviction à cause du temps nous montons quand même jusqu’aux Aiguilles, puis à la Rama. Et nous voilà sur la crête vers 2356m. Je me débats avec le GPS pour situer la trémie +22m. Le GPS m’indique le vide. Le point est donc plus bas (une cinquantaine de mètres) sur le versant sud abrupt.

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Après une frugale collation, comme dirait Brassens, nous nous équipons et Christophe équipe la corde pour atteindre l’entrée, une trentaine de mètres plus bas. A proximité, on sent déjà le courant d’air. Après une courte diaclase où un gros bloc coincé, gêne un peu le passage (il serait bon de s’en occuper) une grande salle se présente, l’air y est vif.

Nous nous organisons pour un chantier de travaux public en règle. Aux avants postes, Marilyne et Christophe, un jeu de trois barquettes, Philippe et moi en arrière pour convoyer les barquettes pleines. Non, nous ne sommes pas des chercheurs d’or, simplement du Graal des ­1000m. Le courant d’air est assez fort, le terrain assez gras, au bout d’un moment nous sommes des statues de glaise. Le terrain dégagé, Christophe déstabilise la trémie qui glisse. Marilyne a l’honneur de la première séance.

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On y retourne dans le même ordre, nous sommes vraiment gelés, la polaire et la texair jaune semblent indiquées pour ce genre d’exercice ! Les deux de pointe semblent toujours motivés et la noria des barquettes continue. Dernier voyage Christophe retourne sous la trémie pour la faire retomber encore une fois. Pas facile d’évacuer une trémie par le dessous.

Les deux équipiers de pointe sont frigorifiés. Je me propose de les remplacer. Si le résultat est impressionnant car on voit la suite entre les blocs, l’endroit demeure sinistrement instable. Je remplis consciencieusement quelques barquettes qui sont évacuées efficacement (malgré des incidents de parcours). Il me faudrait un bâton pour titiller l’édifice. Je touche une pierre et tout, enfin presque, glisse vers moi. Je rampe en marche arrière. Une pierre me coince. Le régime cardiaque monte… Mon moral en a pris un coup et je reprends difficilement ma respiration. Je continue de remplir, il y a de quoi, mes barquettes. Je suis complètement gelé mais comme mes camarades me renvoient régulièrement les vides ça me réchauffe un peu. Le terrain s’est dégagé et s’il était sécurisé on pourrait passer. On voit au moins trois mètres plus loin. Seule une grande pierre plate est restée coincée.

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Je retourne dans la salle. Il fait moins froid mais je continue à claquer des dents. Ça me fait penser qu’il faut que j’aille chez le dentiste. Christophe retourne voir un peu les dégâts. Il revient peu après avec la grosse pierre plate. On a quand même bien avancé. Le courant a été multiplié par deux ou par trois. C’est encourageant car les Nains Jaunes sont à proximité immédiate des amonts des Aiguilles.

Nous retournons sous les rafales de vents. L’herbe est mouillée. Étant en bottes, je n’arrête pas de glisser. Nous retrouvons la voiture avec plaisir, brin de causette avec la bergère et nous nous séparons pour rejoindre nos pénates respectives. Quel bilan ! D’après mes relevés altimétriques et GPS la jonction représenterait un gain d’altitude pour le réseau des aiguilles de 57m, ce qui porterait la côte du réseau à ­1015m. L’arrêt des NJ serait à une vingtaine de mètres de la trémie, à moins que les NJ décident d’aller ailleurs…

Vendredi juillet 2014

Finalement on y retourne, après s’être posé la question qui déséquipe au Aiguilles (en fait aller chercher 2 kits à ­200m) et qui va à la trémie des Nains Jaunes ? Les kits seront récupérés samedi et nous montons à cinq pour aller tirer quelques barquettes.

Aujourd’hui il fait beau, les petites fleurs sur l’alpage, le soleil, la bonne humeur, nous nous retrouvons au petit col sur la crête. Christophe nous offre le vin rosé qu’il a monté des Aiguilles, ainsi que du saucisson. Tout démarre donc sous d’heureux hospices.

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Je descends en premier car un bloc mal placé dans la diaclase d’entrée, me flanque la trouille et j’ai décidé de le faire partir avec le pied de biche de Marc. Quelque temps après le bloc n’a pas bougé. Je l’abandonne et me prépare à remplir la première barquette. Je voudrais approfondir un peu le passage bas avant l’élargissement car en cas de glissement de la trémie on est vraiment pas en position de reculer rapidement. Je suis rejoint par Marc puis par les autres. La chaîne humaine pour l’évacuation des déblais se met en place. Annie et Marylin font un système de changement de barquettes qui fonctionne à merveille. Surtout si on compare à notre première séance où le système était loin d’être rodé. Les déstabilisations réalisées par Christophe ont été efficaces. La suite est suffisamment agrandie, bien que des blocs du genre « épée de Damoclès » surveillent le passage. Je laisse ma place devant pour passer à l’arrière. Le travail continue dans la bonne humeur et dans le courant d’air plutôt rafraîchissant.

Christophe repasse devant, mais trouve la présence au dessus de lui d’un bloc menaçant particulièrement stressant. Maintenant le passage est nettoyé mais il faut faire tomber le bloc avant de partir. Christophe décide de le faire tomber avant de partir. Mais sa technique échoue. Ce sera pour plus tard. Nous ressortons tandis que les deux derniers enflamment un fumigène. C’est très beau, d’une belle couleur rouge. La salle est illuminée avant d’être rempli d’une fumée épaisse. Où va sortir cette fumée ?

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Christophe va descendre avant nous pour voir des fumerolles éventuelles. Les autres se préparent tranquillement à descendre. Les cieux se couvrent. Est-ce que le temps tiendra avant que l’on parvienne à la voiture ? Et non peu avant la cabane, les gouttes de pluie se confirment et c’est sous une pluie battante que nous arrivons aux voitures.

Devant le trou est marqué chourum 1996, en discutant avec des anciens Varois, j’ai appris que suite à leurs escalades dans les amonts des aiguilles, ceux-ci avaient repérés deux chourums (1984) qu’ils avaient baptisés, « du jaune » et « des vieux ». Le chourum des vieux étant le même que celui des nains jaunes. Ceci dit les trous ne sont à personne, à la rigueur ceux qui ont sués en leur sein ont droit à une petite reconnaissance. Alors pourquoi pas les vieux nains jaunes ?

Les photos sont de Marylin C.