Il y a des jours où il est plus facile de rester sous la couette que de faire de la spéléo…
Avec les conditions climatiques qui s’annonçaient, je n’avais trouvé personne pour m’accompagner aux Beaux Yeux, le chourum que nous explorons depuis trois ans. L’objectif n’était pas d’aller bien loin, mais seulement de reprendre contact avec la cavité que j’ai un peu négligée ces derniers temps. Il faut dire que la météo ne m’a pas aidé. A chaque disponibilité, s’il ne pleuvait pas, le redoux faisait fondre la neige. Dans cette cavité active, il vaut mieux attendre l’étiage.
Ce lundi de Pâques, j’avais bien l’intention d’y aller. Même si le lever n’était pas très matutinal, avec le passage à l’heure d’été, j’étais dans les temps. Pendant la nuit, j’avais bien entendu la pluie, mais rien d’un déluge. Pourtant, dès la Roche-des-Arnauds, je m’étais fait une raison. Le petit Buëch gonflé comme rarement ne cachait pas ses mètres cubes par seconde.
Je commence à chercher un plan B. Depuis la Roche, une visite de courtoisie au pertuis des Rortes ferait une belle balade, même si j’y étais il y a moins d’un mois pour une étude biospéologique avec Lucie. Arrivé au parking du secteur d’escalade, je déchante. Le petit pont de bois a disparu. Impossible de traverser le rif de l’Arc. Nouvel objectif : avec toute cette eau, le puits des Bans a peut-être crevé ? Sur la route, je m’arrête profiter du spectacle au défilé de Potrachon.
Un peu plus loin, le col du Festre n’est pas pris par la neige. Mais cette dernière s’est arrêtée seulement cent mètres plus haut. Si la pluie n’a pas dépassé les 1500 mètres d’altitude, l’eau sera restée essentiellement en surface. Dans le Dévoluy, le karst n’absorbe vraiment qu’au-dessus de 1600 mètres. Peu de chance de voir le puits des Bans se mettre en charge. Maintenant que je suis sur la route, je poursuis…
Sans surprise, la Souloise est aussi énorme. Heureusement, le passage par les blocs permet son franchissement aisément. Dans le porche du puits, les gouttières sont légions. Il faut chercher les zones sèches pour ne pas être arrosé. Entre les blocs, l’eau dégouline de toutes parts. Je descends dans la zone de pénombre et, effrayé par le bruit sourd, je remonte me mettre à l’abri pour voir sortir la crue. Mais une heure après, toujours rien. Je me décide à retourner dans l’entrée, puis sous plafond et enfin jusqu’à la première flaque. Le grondement qui arrive du lac Marty a de quoi impressionner. Même si je sais maintenant que ce n’est pas la crevaison qui fait ce vacarme, j’enregistre le son et je ressors prestement.
Je me lance dans une tentative d’explication. Comme je le rappelais plus haut, peu d’eau a dû pénétrer le karst encore couvert par la neige dans sa zone préférentielle d’absorption. Il devait y avoir tout même beaucoup d’eau aux Gillardes, mais pas assez pour voir une crevaison du puits des Bans. Si son fonctionnement le plus médiatique reste les mises en charge, il est plus complexe que cela. Les amateurs connaissent bien la partie remontante juste après le siphon Marty avec ses bassines d’eau et ses toboggans de lait de lune. Ce réseau périphérique, bien que temporaire, peut être très actif. Et il devait l’être en ce premier jour d’avril. La grande quantité d’eau qui en arrivait ne pouvait pas s’écouler entièrement par l’exutoire partiellement comblé. De fait, le niveau du siphon Marty est fortement remonté jusqu’à presque siphonner. Le bruit de l’eau arrivant dans le siphon, les vagues et turbulences d’air créées ont pu générer ces bruits de cataractes ou de machine à laver selon les goûts.
Cette explication, qui n’a rien de factuel puisque je ne suis pas allé plus loin vérifier. Le téléphone entre les dents pour m’éclairer et basket encore sèches ne m’ont pas beaucoup motivé à tenter l’aventure.
Question : est-ce que la crevaison a été possible ? Pas pendant ma présence, c’est sûr. Pas avant non plus car certains cailloux de l’entrée étaient secs. Mais avec un réseau de fissures très chargé en eau et le redoux de ce mardi, la fonte de la neige a pu apporter juste ce qu’il fallait de plus d’eau pour permettre la crevaison. Ceux qui y étaient pourront nous le dire…
La suite de la journée me direz-vous ? De la prospection sur un autre secteur et la découverte d’une belle source. Nous attendrons que la neige fonde un peu pour aller y faire un tour…
Post-scriptum : cet article a été rédigé le 2 avril afin d’écarter une quelconque histoire de poisson 😉