Participant : Philippe
En ces jours de fêtes, difficile de se sortir des réunions de familles et repas gargantuesques. Ce lendemain de Noël, je profite de cette journée libre pour proposer un petit tour dans le Picard IV. Pas une grande exploration, mais plutôt une visite de courtoisie à cette belle cavité, agrémentée de quelques mesures physiques. Toujours en quête d’un protocole un peu sérieux pour ma campagne de mesure du taux de Radon dans le Dévoluy souterrain, je m’essaie à quelques expérimentations. Malgré mon appel, personne ne sera disponible pour m’accompagner. Vu la modestie de l’objectif, j’irai seul faire mes bidouilles.
La piste étant complètement dégagée de la neige, je peux gagner de la distance pour démarrer la montée directement, sans partir de Lachaup. En 45 mn, je trouve l’entrée sans mettre le pied dans la neige. Les quelques plaques restantes se contournent aisément. Dire qu’il y a quinze jours, on pouvait skier…
Pendant le pique-nique, je pose le capteur AER+ d’Algade dans la doline d’entrée à – 2 mètres avec un pas de temps de 15 mn. Par expérience, le taux de Radon est souvent plus important dans la zone d’entrée. Une fois équipé, je récupère l’enregistreur qui affiche 82 Bq/M3 ; autant dire rien. Ce résultat m’interpelle. Je vérifie le taux d’humidité : 75 %. Nous sommes encore dans les valeurs acceptées par le capteur. La température de 5 degrés n’a rien d’exceptionnel.
Au pied du P24, le temps de prendre quelques notes, je pose à nouveau le capteur pour 15 mn. Le pied du puits est habituellement empli d’un névé de plusieurs mètres d’épaisseur. Là, rien, sinon les gouttes qui tombent du plafond, témoins de la fonte des dernières plaques de neige. Résultat de la mesure de Radon toujours aussi désarmant puisque l’écran affiche zéro. J’en perds un peu mon latin ; donc pas grand-chose puisque je n’en ai jamais fait. Je regarde l’humidité : 85 % et la température : 7 °C. Puis une idée germe ! Je sors l’anémomètre afin de vérifier l’aérologie. 0,5 m/s. Ce n’est pas un grand courant d’air, mais il se ressent nettement. L’élément le plus intéressant se trouve dans le sens de ce vent. La cavité aspire malgré un gradient de température inverse. L’air aspiré depuis l’extérieur ne contient pas de Radon, logiquement. Celui-ci doit circuler dans les galeries vers une sortie plus basse.
Petit point sur l’aérologie. La température dans la doline de 5 °C m’a trompé. Celle-ci est directement influencée par le gros névé qui s’y trouve. Au fond du puits, nous trouvons rapidement la température souterraine normale de 7 °C. En revanche, à l’extérieur, un beau soleil a fait montrer la température à plus de 10 °C. L’air froid descend donc dans les galeries aspirant l’air extérieur pour ressortir plus bas dans les lapiaz perméables que la neige a quittés.
Je poursuis la descente dans la grande salle et en fais le tour. Quelques os éparpillés apparaissent entre les blocs. Je fais des photos avec échelle afin de faciliter la tâche à Evelyne Crégut pour une éventuelle détermination. Je pose à nouveau le capteur dans un recoin bas de la salle. Il m’attendra le reste de la sortie.
Je scrute les parois afin de repérer des insectes ou autres. Alors que dans de nombreuses cavités, la période hivernale permet à nombres d’animaux de trouver refuge, là rien n’est visible. Il me faudra atteindre -80 m pour enfin voir un moustique et un mille-pattes. Sur le retour, au pied du puits d’entrée, un cadavre de musaraigne sert de repas à un minuscule coléoptère. Et toujours pas trace de Radon.
COUPE DE LA PARTIE SUPÉRIEURE DU CHOURUM DU PICARD IV
26 décembre 2023