Photographie : Cuon alpinus (Dhole) par Kalyanvarma — GNU Free Documentation License, wikimedia.org
Lors de la phase de recherche et de collecte de notre projet d’inventaire biospéologique en 2021, nous avons rencontré nombre d’ossements dans les entrées de cavités. Rien d’étonnant à cela, il y en a toujours beaucoup. Entre les tanières de carnivores, les « avens-pièges » ou les mouroirs, la stabilité de certaines grottes a de quoi accumuler les restes.
Mais là, il y a quelques choses d’étrange. Les os longs éparpillés devant moi sont particulièrement gros, beaucoup plus gros que de l’humain, or la cavité ne permet pas à des bovins ou équins de venir s’y perdre. De plus, l’épaisseur de l’os ne correspond pas. Lors de l’exploration, ils ont été déposés sur le côté afin de ne pas les écraser à notre passage. Sur leur petite terrasse, je les prends en photo pour les montrer à des paléontologues de renom.
Le soir même, je transmets à Michel PHILIPPE, Christophe GRIGGO et Léa ROUX ma trouvaille. Le lendemain, les réponses fusent : Ursus spelaeus. Bingo, quelle belle découverte ! Je déclare dans la foulée à la D.R.A.C. le site afin qu’il soit référencé. Dans le lot d’ossements, un crâne de canidé qui ne nous avait pas attiré plus que cela…
Le 30 avril 2022, à l’ASPA à St-Christol, le Comité spéléo régional Sud réunit sa commission scientifique. Après un passionnant exposé d’Évelyne CRÉGUT sur les « avens-pièges » du plateau d’Albion, je lui montre les photos de nos découvertes dévoluardes. L’Ursus spelaeus la laisse de marbre, il s’en trouve partout dans la région. En revanche, au premier coup d’œil, le crâne du canidé la fait sursauter. Elle me demande de voir d’autres vues et surtout la mâchoire inférieure. Pas de doute, il n’y a que deux molaires à la place de trois. Il s’agit d’un Cuon en langage scientifique ou Dhole en langage courant. Ce serait le premier crâne découvert dans le sud-est de la France et en parfait état.
Une visite sur site est toute de suite envisagée, mais les agendas de ses personnes suractives sont ce qu’ils sont. Avec Évelyne et Christophe, nous trouverons une date commune durant l’été 2022. La visite tourne au cours magistral sur l’origine de ce canidé asiatique qui aurait visité notre région il y a plusieurs dizaines de milliers d’années. La passion de nos professeurs nous hypnotise. En fin de journée, nous sommes tous convaincus que le site mérite bien plus qu’une simple visite. Par mesure de protection, le crâne du dhole est extrait et stocké au musée d’Histoire naturelle d’Avignon. Évelyne CRÉGUT se charge de la déclaration du dhole à la D.R.A.C.
Le dossier qu’elle envoie ressemble plus à un mémoire qu’une déclaration de découverte. Elle y adjoint une demande de fouille pour le printemps 2023. D’ici là, le site doit rester secret afin de préserver ses trésors pour une étude comme il se doit. Bientôt, le Dévoluy pourra s’enorgueillir d’avoir toujours été un pays accueillant à travers les âges…