Grotte des Chamois – camp 2012

Participant club : Philippe BERTOCHIO


Samedi 4 août : voyage jusqu’à Castellet-les-Sausses. Portage jusqu’à Aurent, notre camp de base. Le soir, Jean-Claude arrive avec le quad de location. Nous en profiterons pour réaliser la descente de tout le matériel de plongée resté dans la voiture au col.

Jean-Claude sur le quad ( photo : Alexey KOPCHINSKIJ)
Jean-Claude sur le quad ( photo : Alexey KOPCHINSKIJ)

Dimanche 5 : avec l’aide de Peter ZENTAY (Hongrois) et Philippe AUDRA, nous montons, à l’entrée de la grotte, tout le matériel nécessaire à la plongée du lendemain pour le siphon aval.

L’après-midi, retour à Aurent et corvée de bois pour les grillades du soir. Enfin, préparation des premiers kits pour la plongée future au siphon amont.

Préparation des sacs plongées sous l'oeil attentif de José et Peter (photo : Alexey KOPCHINSKIJ)
Préparation des sacs plongées sous l’oeil attentif de José et Peter (photo : Alexey KOPCHINSKIJ)

Lundi 6 : plongée au siphon aval. Participants : Agnes HAJNAL, Peter ZENTAY, Philippe AUDRA et Jean-Yves BIGOT. Nous partons à cinq d’Aurent, le matin vers 9h00. A l’entrée, le temps de préparer les sacs et de s’équiper, nous démarrons dans la cavité à 10h40. C’est Philippe qui se charge du gros sac avec l’émetteur, la radio, les antennes. En plus d’être gros, il est lourd et fragile. Tout ce que l’on aime dans les 400 premiers mètres de cloaque de la grotte des Chamois. Finalement, le siphon aval sera atteint rapidement. Et le temps de laisser Big préparer son matériel de photo, je suis à l’eau à 13h00.

Départ de la plongée du siphon aval (photo : Jean-Yves BIGOT)
Départ de la plongée du siphon aval (photo : Jean-Yves BIGOT)

Le programme de cette plongée est chargé : topographier la partie exondée jusqu’à la trémie, faire un test de radio afin de pouvoir réaliser le repérage par balise, mettre en place la balise pour que Donald, dehors, puisse repérer mon terminus et enfin, tenter de capturer la « bestiole » aperçue l’année dernière. Pour permettre à l’énorme sac émetteur de couler, je demande à Philippe de remplir le peu de vide de galets. Il flotte encore un peu mais je ne peux plus le soulever hors de l’eau… Dès les dix mètres de profondeur atteints, la pression a comprimé l’air des sacs étanches. Cette fois-ci, le sac me plaque littéralement au sol. Quelle galère ! Je consomme beaucoup d’air pour avancer et maintenir mon équilibre. Heureusement que je prévois toujours plus large en réserve. En parcourant le siphon, j’aperçois plusieurs spécimens sur les blocs. Trop gêné par le sac, je m’occuperai de la capture plus tard. Avant la sortie du siphon, je répare le fil cassé et fais surface. Quelques coups de palmes pour traverser le canyon et me voici au sec. Je pose le matériel de plongée et les galets de lest pour aller direct vers le fond. Il ne s’agit pas de traîner. J’ai donné trois heures à mes coéquipiers pour tout faire. Au terminus, je trouve la trémie moins impressionnante. Pour la topo, il faudra que je tente de traverser pour aller voir au sommet.

Je déballe l’émetteur. Mais comment faire pour ne pas le mouiller lorsque votre combinaison néoprène dégouline de tous les côtés ? Je sors les antennes et m’apprête à les monter lorsque un souvenir me foudroie. J’ai laissé les vis dans la poche latérale du sac à dos, à l’entrée de la grotte. Je cours installer la radio. José est au bout du TPS. Je lui demande de voir avec Donald comment je peux émettre sans les vis. Impossible ! Non seulement il faut une bonne fixation, mais surtout un bon contact sec !!! Nous abandonnons l’idée de la localisation et je range le matériel. Tout ce matos amené jusque là pour rien. C’est vraiment bête.

Second objectif : la topographie. Je traverse l’entonnoir final pour grimper la trémie qui obstrue totalement la galerie. La pente, qui de loin m’était apparue comme très abrupte n’est qu’à 40°. Au sommet, il y a même un replat avant la zone d’effondrement du plafond. Vers le sud, une petite galerie semble vouloir contourner ce bouchon. Elle est parcourue par un courant d’air aspirant fort. Mais d’où peut provenir ce courant d’air alors que je suis post-siphon ? La topographie prend là toute son importance dans la compréhension de ce réseau complexe. Je commence le relevé. C’est long. Cependant, absorbé par la tâche, je ne vois pas le temps passer. Une cinquantaine de mètres avant le siphon, je repère un grand dôme de sable en rive droite. Me rappelant les conseils de Philippe, de bien regarder s’il n’y a pas une galerie vers l’ouest, je grimpe le dôme. A peine je commence ma progression que je vois se dessiner une belle galerie en demi-cintre de cinq à six mètres de large pour un à deux mètres de haut. Le remplissage de sable cède peu à peu la place à de l’argile. J’ai parcouru environ une petite centaine de mètres lorsque la galerie commence à se redresser. Les blocs sont de plus en plus présents. Bientôt, la trémie prend forme et me ralentit. Des traces d’eau sont bien visibles. Des crues arrivent par là. Post siphon et seul, je ne m’engage pas plus loin. Il ne faudrait pas rester coincé…

La proaselle des Chamois (photo : l'auteur)
La proaselle des Chamois (photo : l’auteur)

De retour dans la rivière, je reprends la topographie et mon matériel de plongée. Les dernières visées sont dans le canyon. Ce barbotage finit de me frigorifier. Ma dernière visée me libère. Je range tout et m’apprête à rentrer lorsque j’aperçois une bestiole. Je laisse le kit flotter et m’empare d’une éprouvette. Les doigts engourdis par le froid ne me facilite pas le travail. Heureusement que le petit crustacé n’est pas très farouche. Le soir même, Didier CAILLOL nous confirmera qu’il s’agit d’un proaselle, un petit isopode. Il est actuellement à l’étude, séquençage ADN, au CNRS de Lyon.

Le retour dans le siphon sera si rapide que je ne consommerai pas la moitié de ma consommation aller. Lorsque je sors de l’eau, mes collègues m’attentent, eux aussi frigorifiés. Ils émergent péniblement des couvertures de survie. J’ai une heure et demi de retard sur mon programme. Les sacs sont vite refaits, direction la sortie. Nous sommes dehors à 19h30. Big et Philippe dorment à la grotte. Avec Agnes et Peter, nous redescendons à Aurent pour une nuit réparatrice dans un vrai lit.

La salle de couchage dans le refuge d'Aurent (photo : Alexey KOPCHINSKIJ)
La salle de couchage dans le refuge d’Aurent (photo : Alexey KOPCHINSKIJ)

Mardi 7 : toujours avec l’aide de Peter et Agnes, je fais un premier portage à la grotte du matériel pour la plongée du siphon amont. Au vu de la profondeur atteinte l’année précédente, j’ai prévu du lourd. Même si l’accès est difficile, j’engage le recycleur pour un maximum d’autonomie. Je ne le regretterai pas.

Mon expérience du froid la veille finit de me convaincre que je ne pourrai pas plonger en combinaison humide dans l’amont. Aussi, l’après midi, je remonte à la maison pour prendre la combinaison étanche et les sous-vêtements qui vont avec. J’en profite pour faire les courses de frais pour le camp : pain, oeufs, saucisses.

Mercredi 8 : toujours des portages vers la grottes des Chamois mais cette fois-ci avec Donald ACCORSI et Alexey KOPCHINSKIJ. De leur côté, Alain STAEBLER et Bruno ARFIB déposent deux sacs bouteilles au bout de la galerie des Pingouins en allant faire de la topo dans le réseau Cosette.

Donc, le soir, six sacs sont prêts à l’entrée de la grotte. Deux sacs sont déjà à la rivière mais à 300 mètres du siphon amont, la zone la plus aquatique. Tout semble prêt pour le grand jour si ce n’est la cagoule. Mais ceci est une autre histoire…

Portages... (photo : Alexey KOPCHINSKIJ)
Portages… (photo : Alexey KOPCHINSKIJ)

Jeudi 9 : le grand jour. Au départ d’Aurent, nous sommes huit pour le portage au siphon amont. Nous sommes tous conscients que la journée va être dure et longue. La motivation n’est pas grande. A 8h00, Marjan TEMOVSKI, Matija PERNE, Mateja CERNA, Agnes HAJNAL, Peter ZENTAY, Donald ACCORSI, Alexey KOPCHINSKIJ et moi démarrons du refuge. A l’entrée des Chamois, nous retrouvons les équipes de la veille qui sont restées bivouaquer sur place. Six charges à amener au siphon et les sacs collectifs. Nous ne serons pas trop de huit. Alain, pas très réveillé, attend notre départ pour savoir s’il doit sacrifier sa journée de repos pour renforcer l’équipe. Je le rassure. Peu à peu, nous nous équipons et rentrons sous terre. La consigne est de se retrouver à la salle des Slovènes et ce sont justement eux : Mateja et Matija qui ouvrent la marche. Je sais que pour moi aussi la journée va être difficile. Pas question de laisser le sac du recycleur à quiconque. C’est pourtant le plus lourd. Mais l’année dernière, j’ai du changer des robinetteries de bouteille cassées malgré les protections. Alors pas question de casser le Megalodon. A l’aller comme au retour, je prendrai le temps de négocier ces « p…. » de 400 mètres de galeries de l’enfer pour ramener le matériel sans bosse. Conséquence, le rythme n’est plus le même. Je pars troisième, juste avant Agnes et Peter. Je mettrais une demi-heure de plus, pourtant, personne ne m’a rattrapé. Étrange !

Dans la salle des Slovènes, les Slovènes sont là. Nous nous blottissons l’un contre l’autre pour ne pas perdre trop de calories en attendant le reste de la troupe. Agnes et Peter arrivent un peu plus tard mais pas les derniers. Nous attendrons une heure pour voir arriver Donald chargé de deux sacs et Marjan. Alex est malade ! Il a fait demi-tour après avoir franchi la galerie des Chadocs…

Nous nous retrouvons à sept alors qu’il y a maintenant dix sacs à porter. Matija nous prépare des pâtes chinoises pour nous remonter le moral. Trois sachets d’épices pour un bol d’eau, il y a de quoi réveiller un mort et tuer un plongeur. Tenant à mes intestins fragiles, je n’insiste pas sur les pâtes. Nous franchissons la galerie des Pingouins et retrouvons enfin la rivière. Trop de charges ! Je décide de m’équiper avec la combinaison étanche pour franchir ce dernier tronçon. Cela videra deux sacs. En limitant ma vitesse de progression, je ne devrai pas trop transpirer. Une grande partie de la rivière se fait à la nage. Bien chargé malgré tout, nous poursuivons. Les passages de chaos sont pénibles, les cailloux glissants et les sacs pleins d’eau. Enfin le siphon ! Il est 18h00. Pas question de remettre la plongée à plus tard. Quitte à laisser une partie du matériel là au retour. Une heure me sera nécessaire pour préparer le matériel et le plongeur. Mais là, la série des ennuis commence. Un de mes ordinateurs ne démarre pas. Comme quoi, la redondance a du bon. Avec l’autre ordinateur et un « run time », je peux plonger malgré tout en sécurité. Je démarre la Gopro pour des images qui ne seront pas plus regardables que d’habitude. Un petit salut à mes valeureux coéquipiers et je plonge.

Prêt à partir...
Prêt à partir…

Je suis le fil posé l’année dernière. Avec ma nouvelle SCURION plongée, je ne reconnais pas le siphon. Il me semble plus petit et plus régulier qu’il ne m’était apparu. Un passage relativement étroit sur une dune de sable à -14 mètres et le terminus à – 25 mètres. Je raboute mon fil pour continuer l’aventure. La galerie descend rapidement à -50 mètres et se stabilise à cette profondeur. Le touret se bloque. Il ne veut plus dérouler le fil. La poignée est coincée. Pour y remédier, je laisse tourner la poignée dans ma main qui fait office de roulement. Il y a mieux au niveau confort mais cela fonctionne. Le courant me ralentit un peu. Pas question de palmer trop fort. Pour limiter le poids, j’ai opté pour le scrubber axial. L’essoufflement peut arriver vite. Surtout qu’avec une température de six degrés, la chaux n’est pas dans des conditions optimales pour fixer le dioxyde de carbone. Je parcours une centaine de mètres à cette profondeur avec un maximum à – 55 mètres avant qu’une remontée ne s’amorce. D’abord très douce puis beaucoup plus brutale. Un entonnoir géant est au-dessus de ma tête. Je distingue avec peine la paroi opposée. Il y a plus de dix mètres de largeur. Vers l’aval, la roche est à fleur, vers l’amont, un énorme éboulis. Je commence ma désaturation avec un palier à -18 mètres. Sur la gauche, le plafond doit être à – 12 m que l’éboulis semble lécher. Sur la droite, la galerie monte à la verticale entre un énorme bloc et la paroi. Je m’y glisse. A – 9 mètres, je ne vois toujours pas la suite. A – 6 mètres, c’est la déception. Je suis dans une cheminée dont les parois sont couvertes d’argile. La suite ne peut pas être là. C’est ce moment où une des cellules oxygènes de mon recycleur lâche. Je dois faire demi-tour. De plus, j’atteins les limites de ma redondance en circuit ouvert. La suite sera pour l’année prochaine. Heureusement, avec le courant, je rentre beaucoup plus rapidement. Mais sans avoir pu franchir le siphon et parcourir une suite exondée, la décompression s’annonce sévère. Trente minutes de palier. Ce n’est pas beaucoup par rapport à mes plongées habituelles mais dans de l’eau à 6° C, les minutes sont très longues. Pourtant, un passe-temps incongru m’occupera agréablement. Des proaselles viendront me tester les gants de l’antenne. Mon immobilisme et l’absence de bulle les rendent très curieuses. Je les observerai à loisir dans leur milieu à progresser contre les parois ou en pleine eau. Un vrai plaisir. Enfin la délivrance sonne. Mon ordinateur affiche un retour surface possible. Je devais partir pour trois heures. Je suis de retour au bout d’une heure et demie, ce qui fait la joie de mes équipiers restés à m’attendre. Il ne me faudra pas plus de trente minutes pour ranger le tout et boire une soupe chaude servie avec le sourire de Mateja.

Schéma en coupe du siphon avec toutes les incohérences de la mémoire d'un plongeur
Schéma en coupe du siphon avec toutes les incohérences de la mémoire d’un plongeur

Trop de sacs pour le retour. Je décide de faire un effort pour ne rien laisser au siphon. Mais nous déposerons deux bouteilles en bas de la galerie des Pingouins. Elles pourront être récupérées sans aller dans l’eau. Nous choisissons aussi de sortir par le puits K & K, à l’aval. Nous profitons de cette magnifique rivière et nous évitons la galerie très sale des Pingouins. Avant le puits, je quitte enfin la combinaison étanche et rajoute une charge. Je la remonte en haut du puits et la laisse à l’amarrage. Je préfère me concentrer sur le recycleur pour une sortie en « douceur ». Un peu à la manière de zombis, nous progressons vers la sortie. Nous sommes tous dehors à 24h00. Encore une heure et nous pourrons retrouver nos lits dans le refuge d’Aurent pour une nuit déjà entamée mais bien méritée.

L'équipe de choc (montage)
L’équipe de choc (montage)

Vendredi 10 : Alain, au retour de son explo, a ramené un kit des Pingouins à l’entrée. Didier en a ramené un autre des Pingouins jusqu’à Aurent. De leur côté, Bernard et Alexey ont ramené le kit du puits K & K à l’entrée.

Avec Donald, dans l’après-midi et en séance de récupération active, nous allons chercher deux sacs à la grotte pour les descendre à Aurent.

Samedi 11 : je remonte chercher deux sacs avec la clé de portage. Alain et Marjan descendent les derniers.

Dans l’après-midi, ce sera la grande lessive au lavoir pour ensuite conditionner le matériel en vue du retour en quad qui doit arriver vers 17h00. Ce n’est qu’à 20h00 que Jean-Claude NOBÉCOURT arrivera. Un grand merci à lui qui aura passé ses soirées à assurer l’intendance et les voyages en quad alors qu’il n’était pas en congé donc privé de spéléo. Après mes salutations, je reprends le chemin du col du Fa puis la route de la maison.

Grotte des Chamois, au pire, à l’année prochaine !