Exploration hivernale au Bellot

Avec Johana, Émilie, Éric, François et Philippe


C’est dimanche. Dehors, il fait froid ! Pourtant je parviens à m’extraire de la couette chaude pour aller rejoindre ce que beaucoup considérerait comme un enfer blanc.

Nous avons rendez-vous à 8h30 à Gap. Je prends François au passage. Je suis encore à la bourre ! Tout le monde est au rendez-vous. Direction : le Dévoluy. Mais en douceur car les routes sont lustrées par l’hiver qui vient enfin de pointer son nez blanc.

Arrivé au col du Festre, j’ai un instant pensé que François nous faisait un refus devant obstacle. Non ! Juste une envie de petit café dans ce qui pour nous est le dernier témoin de la civilisation occidentale : le bar du col.

IMG_2659b.jpg

Bon, fini le tourisme, les choses sérieuses commencent. Les voitures posées sur la glace aux Coutières, nous démarrons l’approche avec les raquettes. Je choisis un accès direct par la crête avec un départ un peu raide mais plus progressif ensuite. François opte pour le vallon, plus tranquille au départ. Alors que tous ont suivi François, je me retrouve un peu isolé au milieu d’un brouillard plus léger que d’habitude. De temps en temps, j’aperçois le petit groupe au travers d’une petite percée. Nous arrivons de concert à la cabane et nous nous réfugions dans la partie basse qui reste ouverte. La chaleur n’est pas au rendez-vous, mais il n’y a pas de vent…

L'ambiance à l'entrée
L’ambiance à l’entrée

Déjà 11h, nous cassons une petite graine avant de s’équiper rapidement et rejoindre l’entrée 150 mètres plus loin. Je pars devant pour équiper le puits d’entrée afin qu’il n’y ait pas d’attente dans le froid. L’air extérieur plafonne à -8° alors que la température de la cavité passe rapidement à +8° vers -50m. Aussi, notre équipement spéléo n’est pas très adapté à la surface. Le dégagement réalisé par Christian et François, la semaine précédente, est bien utile. Les amarrages sont facilement accessibles. Mais quinze mètres plus bas, la neige a quasiment tout obstruée sur plus de trois mètres d’épaisseur. Il ne reste que vingt centimètres au plafond d’où coulent de belles stalactites de glace. Celles-ci font rideaux et c’est à grands coups de bottes que j’ouvre un passage. Moitié luge sur le dos, moitié descente sur corde, j’atteins – 35 m, terminus de la neige et début de la trémie. Il s’en est fallu de peu que la cavité ne soit fermée.

Sommet du P30
Sommet du P30

Je rejoins le sommet du P30 pour être au « chaud » afin d’attendre le reste de l’équipe. En flânant, je découvre le crâne d’un petit rongeur dans une flaque de « lait de lune ». Il aurait plu à Léa, notre archéo-zoologue, mais impossible de le prélever sans le détruire. L’os est totalement ramolli. Je recherche la chauve-souris aperçue à notre précédent passage. Je ne la vois pas. La joyeuse troupe me rejoint très motivée. La suite est équipée, aussi nous progressons rapidement. Au niveau du lac de boue, je prends quelques photographies d’un concrétionnement étrange qui rappelle certaines formes de cristallisation du gypse. Au retour, je tenterai un petit prélèvement pour des analyses plus fines.

Crâne de rongeur
Crâne de rongeur

Le lac de boue se révèle un obstacle plus difficile qu’il n’y paraît. La tyrolienne, plus haute en amont qu’en aval, est assez technique. Nous profitons de cette belle zone de puits pour observer les sculptures naturelles des dépôts de lait de lune (mondmich). Après, le méandre sera moins apprécié, surtout la partie aquatique. Enfin, le dernier puits de 11 mètres. Le départ en boite aux lettres qui sort plein gaz, l’équipement très psychologique dans une roche où il est impossible de trouver une zone saine a raison de la motivation du plus grand nombre. C’est courageux de leur part car c’est dans le méandre et au courant d’air qu’ils m’attendront. Je descends rapidement les derniers mètres pour atteindre le sol de la salle Stéphanie. Avec les années, j’ai du mal à reconnaître notre terminus. Pourtant, aucune trace ne semble montrer un déplacement de la trémie.

Au point le plus bas, je me glisse entre deux gros rochers. Là dessous, un bloc pyramidal m’interdit la suite. Quelques coups de massette et un forage au perforateur auront raison de cet obstacle. Je dégage les déblais allongé dans le lait de lune toujours très présent. Je peux enfin descendre de deux mètres supplémentaires. Mais un autre bloc me barre le passage pour les deux mètres suivants. Une barre à mine aurait suffi, justement, celle qui est restée dans la voiture ! Tant pis. Ce sera pour la prochaine fois surtout qu’il est déjà 16h, que les autres m’attendent et que nous ne sommes pas encore à la maison…

Tyrolienne au-dessus du lac de boue
Tyrolienne au-dessus du lac de boue

Le retour se fera à petit rythme. Certains d’entre nous accusent la fatigue et le froid n’aide guère. Dans le P30, nous retrouverons la chauve-souris à son poste. Mais la distance ne nous permet pas de l’identifier. Et puis ce n’est pas une saison pour la déranger. Dehors, le vent s’est intensifié. La température négative et le vent figent tout. La combinaison durcit. Les mousquetons ne s’ouvrent plus. Nous enfilons les raquettes pour courir jusqu’à la cabane. Il n’y fait pas plus chaud mais le psychologique y gagne. Il n’y a surtout pas de vent. Mis au sec et sacs bien chargés, nous reprenons le chemin de la descente dans le noir, le vent et le froid. Aussi, nous ne mettrons pas longtemps à rejoindre les voitures. Épuisée, Johana préfère s’installer directement dans le coffre plutôt que de quitter les raquettes. Chauffage à fond, elle redescendra finalement sur son siège et bien au sec…